L'odeur du café de Dany Laferrière - Germain

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mercredi 1 février 2012

L'odeur du café de Dany Laferrière



L'odeur du café
Récit,
Éditions VLB, 1991,
Prix Carbet de la Caraïbe 1991.
Description:
Vers deux heures de n'importe quel après-midi d'été, Da arrose la galerie. Elle pose une grande cuvette blanche remplie d'eau sur un des plateaux de la balance et, à l'aide d'un petit seau en plastique, elle jette l'eau sur la galerie, d'un coup sec du poignet. Avec un torchon, elle nettoie plus attentivement les coins. Les briques deviennent immédiatement brillantes comme des sous neufs. J'aime m'allonger sur la galerie fraîche pour regarder les colonnes de fourmis noyées dans les fentes des briques. Avec un brin d'herbe, je tente d'en sauver quelques-unes. Les fourmis ne nagent pas. Elles se laissent emporter par le courant jusqu'à ce qu'eIles réussissent à s'agripper quelque part. Je peux les suivre comme ça pendant des heures.
Da boit son café. J'observe les fourmis. Le temps n'existe pas.
Depuis le temps qu'il nous l'annonçait, son nouveau récit, le voici enfin, en quelque cent quatre-vingt-dix pages.
Il nous fait découvrir un visage auquel nous n'étions guère habitués depuis que le personnage médiatique a pris le pas sur celui de l'auteur - peu connu à l'époque - de Comment faire l'amour avec un Nègre sans se fatiguer, roman traduit dans plusieurs langues et porté à l'écran: un Dany Laferrière tendre et affectionné - il n'a que huit ou neuf ans - qui se passionne pour les choses simples, le petit monde grouillant d'humanité et de chaleur de son village natal, Petit-Goâve, en Haïti.L'odeur du café, c'est la quintessence de l'enfance, concentrée dans une écriture tout en finesse et d'une douce sensualité.

Quatrième de couverture

Extrait:
Les reinesTante Raymonde a un petit lit en bois d'acajou qu'elle partage avec tante Ninine. C'est un cadeau de Hiram, le frère de Da. La grande armoire est à Da, c'est-à-dire à tout le monde. L'autre, plus petite, est aux soeurs plus âgées: ma mère et tante Raymonde. Tante Renée, tante Ninine et tante Gilberte rangent leurs robes un peu partout. Les cinq soeurs s'habillent malgré tout avec les mêmes robes. Sauf tante Gilberte qui est de trop petite taille. Les soirs de bal, c'est la furie. Surtout si tout le monde veut mettre la même robe. Les odeurs de parfums se mêlent, les chapeaux s'échangent, les chaussures volent par-dessus les têtes. Tout le monde est en retard. L'heure fatidique arrive. Et cinq reines -reine du sucre, du sel, du sisal, de la farine et du café -sortent de la chambre qu'elles laissent aussi dévastée qu'un champ de bataille. Le silence. Da et moi restons dans la chambre. Puis nous faisons une petite prière avant de nous endormir.

La salle à manger

C'est le royaume de Da. Da a toujours nourri tout le monde. Je veux dire sa famille, les voisins et aussi des indigents qui passent toujours au bon moment. Sans compter les chiens que Marquis invite lui aussi à manger. Ce qui fait beaucoup de bols blancs pour la famille, et de bols bleus pour les autres. Da n'a jamais oublié personne, sauf tante Gilberte. Et on ne sait pas pourquoi. Ce qui fait que c'est toujours son bol qu'elle donne à tante Gilberte. Je n'ai jamais vu Da en train de manger. Quand tout le monde a fini, Da se fait un café qu'elle va siroter sous le manguier.

Le dernier repas

Une fois par mois, mon grand-père allait voir ses terres, près du cimetière, en face de la vieille guildive de Duvivier. Il y passait toute la journée et ne rentrait que fort tard dans la soirée. Son dîner l'attendait sous le couvre-plat en plastique rose, dans la salle à manger. Quelques mouches volaient autour des plats, par principe. Son repas favori: banane, mirliton, aubergine, très peu de riz (cuit sans sel) avec du pois noir en sauce. Pas de viande, ni de carotte. Da dit toujours qu'il n'y a que mon grand-père et les enfants qui n'aiment pas les carottes. Il s'asseyait, mangeait lentement et se servait toujours une tranche d'ananas pour dessert. Après le repas, mon grand-père se nettoyait longuement les dents. C'était sa fierté. Il a conservé toutes ses dents jusqu'à la fin.
Un soir, il avait l'air plus fatigué que d'ordinaire. Il a à peine touché à son repas, s'est longuement brossé les dents avant d'aller se coucher. Une dernière fois.
La mort
On l'a retrouvé, le lendemain matin, dans son lit, tout raide.
- Qu'est-ce que la mort, Da?
- Tu verras.

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